Les perturbations du bilan biologique hépatique« Transaminases, phosphatases alcalines, bilirubine… et après ? »
Dr Jean-Eric LABERENNELes tests biologiques hépatiques réalisés en routine sont les
transaminases (TGP/TGO), la Gamma GT (GGT), les phosphatases alcalines
(PAL), et la bilirubine (Bili).
Les anomalies les plus fréquemment rencontrées, chez le sujet
asymptomatique, sont l’élévation des transaminases et/ou de la GGT. Le
symptôme clinique le plus spécifique est l’ictère, une cytolyse pouvant
elle être asymptomatique.
1- Syndromes HépatiquesOn distingue 4 grands syndromes hépatiques, diversement associes selon les pathologies :
a) Syndrome de cytolyse :Nécrose hepatocytaire avec libération dans le sang des molécules
cytoplasmiques hépatiques : TGP, TGO, GGT, Ferritine, LDH.
La GGT et la Ferritine s’élèvent donc dans toute cytolyse hépatique.
Des TGO supérieures aux TGP doivent faire évoquer un alcoolisme. En cas
de cirrhose, la cytolyse peut prédominer sur les TGO, quelle qu’en soit
l’étiologie de la cirrhose.
b) Syndrome de cholestase :Une atteinte intra-hépatique (pole biliaire des hépatocytes et/ou
cellules épithéliales biliaires interlobulaires) ou extra-hépatique
(obstacle des voies biliaires) limitent l’excrétion normale de la bile.
La bile gagne le sang sinusoïdal puis veineux périphérique.
D’autres molécules sont alors également libérées en excès vers le
sang périphérique, dont la GGT et les phosphatases alcalines (dont la
5’nucleotidase, PAL plus spécifique du foie).
La GGT est le test le plus sensible de cholestase, mais non
spécifique (alcoolisme chronique, inducteurs enzymatiques, stéatose,
hyperthyroïdie, hépatites cytolytiques).
c) Syndrome d’insuffisance hépatocellulaire :Il y existe une baisse des fonctions de synthèse hépatique, avec
baisse des TP et Facteur V, de l’albumine, du cholestérol, de l’urée
voir de la glycémie, mais augmentation des bilirubines libres et
conjuguées.
d) Syndrome mésenchymateux :Il y existe une atteinte des cellules inflammatoires hépatiques (et
non des hépatocytes) telles des cellules de Kupffer. Il y a alors des
stigmates de conflits immunologiques, avec libération dans le sang d’Ac
et possible Gamma-globulinémie polyclonale (IgA dans l’alcoolisme, IgG
pour les viroses et hépatites auto-immunes, IgM pour la BCP).
2- Situations cliniques les plus fréquentesa) Hépatites toxiques : Médicamenteuse a rechercher si élévation des TGP. On tolère une cytolyse à 3xNle pour maintenir la thérapeutique imputable.
Alcoolique
si élévation des TGO. La recherche d’une élévation de la CDT peut être
utile en cas de doute. Une élévation des CPK orientera vers une origine
musculaire.
b) Hépatite virale :Faire une sérologie B et C devant toute élévation, expliquée ou non,
des TGP. 1,5% des français aurait une Hépatite Virale C ! La cirrhose
(hépatocarcinome, hypertension portale) en est la principale
complication. Le dépistage de l’entourage a risque devra alors être
propose.
c) Hémochromatose génétique :Faire un bilan ferrique (Fer sérique, CSS, Ferritine) devant toute
élévation, expliquée ou non, des TGP. C’est la maladie génétique la plus
fréquente en France : 1 français/400 ! La cirrhose (hépatocarcinome,
hypertension portale) en est l’une des grandes complications.
Les saignées corrigent ce risque hépatique. Le diagnostic implique une
enquête familiale.
d) NASH : (Non Alcoolique Stéatose Hépatite)La stéatose est une accumulation excessive de lipides dans les
hépatocytes. Elle entraine souvent une élévation de la GGT et/ou TGP. En
l’absence d’inflammation hépatique, on parle de stéatose pure.
Si cette stéatose s’accompagne d’inflammation hépatique, voir nécrose
hépatocytaire et/ou fibrose, on parle de stéato-hépatite non alcoolique
ou NASH. 20 a30% de la population américaine présente une stéatose,
dont 10% au stade de NASH, soit 2 à 3% de leur population...
La NASH est étroitement associée à l’obésité abdominale (55a75%), au
diabète II (20a75%), l’hypertriglycéridemie (20a92%). La biologie
hépatique ne permet pas de différencier stéatose pure et NASH.
La NASH est considérée comme la manifestation hépatique du syndrome
métabolique, car souvent associée à un tableau d’insulinorésistance. Le
Syndrome métabolique associe obésité, insulinorésistance, HTA,
hypertriglicéridemie avec baisse du HDL.
La réduction pondérale brutale (régime, by-pass,...) peut favoriser
l’apparition d’une NASH. 10 à 40% des NASH peuvent évoluer vers la
cirrhose.
3- Quand doser les transaminases Ictère
Asthénie
Surpoids
Polyarthralgies
Alcoolisme
Traitement potentiellement hépatotoxique
Dyslipidémie, diabète
Risque viral : Chirurgie < 1992, toxicomanie, tourisme sexuel
Transaminases élevées : conduite à tenir Enquête médicamenteuse
+ GGT, PAL, Bilirubines libre, Bilirubine conjuguée
Cholestérol/Triglycérides/Glycémie et IMC
Fer sérique/CSS/Ferritine
Ag HBS, Ac α HVC
+Echographie abdominale
4- GGT élevées : conduite à tenirEn conclusionUne hépatopathie asymptomatique peut évoluer vers une insuffisance
hépatocellulaire, vers la cirrhose et ses complications que sont
l’hépatocarcinome et l’hypertension portale. Il faut donc savoir y
penser : antécédents chirurgicaux lourds, asthénie, polyarthralgies,
obésité, alcoolisme, médicaments connus potentiellement hépatotoxiques.
Le bilan hépatique de dépistage repose, toujours et encore, sur le
dosage de la GGT et des transaminases, tests non spécifiques mais
sensibles pour toute hépatopathie, même de présentation asymptomatique.
En cas de doute sur un alcoolisme, on peut rechercher une élévation de la CDT, spécifique de l’œnolisme.
La recherche d’auto-anticorps (nucléaire, muscle lisse, LKM et
mitochondrie) ne fait pas partie du dépistage, tout comme l’évaluation
de l’inflammation hépatique et du degré de fibrose par le panel de tests
biologiques que continuent l’Actitest/Fibrotest et le Fibrometre.